Edwige Aplogan . Les drapés du Cinquantenaire . Habillage de Monuments
Habillage de la maison de Vente PIASA. « Occuper le Terrain »
En 1960, dix sept (17) pays africains dont quinze francophones et 2 anglophones ont accédé à l’indépendance après plusieurs années de souffrances et de luttes. L’importance que revêt le cinquantenaire de cet événement n’est pas que symbolique. Nous avons en Afrique et plus spécialement au Bénin, une culture des anniversaires qui sont souvent fêtés de manière grandiose. Les pays africains ont fêté le cinquantenaire d’une indépendance douloureuse car certaines situations économiques, politiques et sociales posent cruellement problème et certaines avancées vers la démocratie restent chaotiques. Cet anniversaire a été célébré malgré nos morts dans les conflits, malgré la misère, les inondations ou la faim.
Nous marchons difficilement , mais sûrement vers plus de liberté,
Moins de misère, Moins d’analphabétisme et moins de contrats léonins.
La jeune génération, quant à elle,
marche fièrement à la conquête du millénaire,
plus forte et plus légère de certaines désillusions qu’elle n’a pas connues. Nous marchons vers
et une forme d’échange plus équitable avec le Nord.
Depuis 2010, j’ai commencé des habillages de bâtiments publics ou privés, ou de symboles au Bénin ou en France. Ces habillages de monuments ou des lieux de mémoire avec des drapeaux des pays africains et des Caraïbes sont à relier au cinquantenaire des indépendances des pays africains francophones.
Ce projet a évolué au fil des années et les drapés du cinquantenaire ont inclus la mémoire de l’esclavage avec des drapeaux des pays où ont été déportés les esclaves en Amérique du Sud et dans les Caraïbes rendant ainsi hommage à la diaspora africaine présente aujourd’hui partout dans le monde.
Ont suivi le drapé de la place de la vente (aux enchères à Ouidah (classé patrimoine mondial de l’UNESCO) en octobre 2012, puis le projet «Out of Africa» à Bordeaux en 2015.
Mon intervention rue de Seine à la galerie Vallois, présente au premier niveau des drapeaux de beaucoup de pays africains (16), la plupart anciennes colonies françaises et c’est aussi l’occasion d’adjoindre à ces drapeaux plusieurs autres symboles du monde (de l’Australie au Japon, à la Thaïlande en passant par la Polynésie, la Micronésie); tous ces pays aujourd’hui présents à travers des œuvres d’arts dans le cadre de l’événement «Parcours des mondes».
Se retrouvent au milieu des drapeaux connus, ceux beaucoup plus rares des aborigènes, ceux des indépendantistes de Tahiti, du Vanuatu, de Kiribati en Océanie et des sculptures contemporaines et masques africains du Gabon, lobi du Burkina, Punu et Igbo…
En faisant une installation composée de plusieurs pays d’Afrique, des Caraïbes et de l’Amérique du Sud, mon propos est, non d’exposer des États et leur gouvernants quelque qu’ils soit, mais de célébrer des peuples, des humains qui ont porté leurs combats à travers leur déportation depuis l’esclavage jusqu’à nos jours et leur aspiration à la liberté. Ce propos n’est pas focalisé sur le passé et la victimisation de ces populations mais est au contraire une dynamique universelle dans notre monde globalisé en quête d’équilibre et de plus grande justice.
C’est ainsi qu’au milieu des drapeaux africains, et ceux des pays de la Diaspora, les drapeaux palestinien, aborigène et ceux des mouvements culturels indépendantistes des départements et territoires d’outre mer trouveront aussi leur place.
Le drapé de l’immeuble abritant la Maison PIASA a un triple objectif : Celui de mettre en valeur ce que présente cette maison de vente : un pan de l’histoire de l’art à travers un patrimoine et des productions des artistes africains à l’honneur dont plusieurs vivent en Europe, Celui de mettre en valeur à travers les drapeaux dont va se revêtir le bâtiment, la grande histoire du continent africain en cette période où l’art contemporain africain commence à être reconnu et réhabilité, Le sommet (ou l’entrée) de l’immeuble sera drapée de tentures d’Abomey, une autre manière de raconter l’histoire, reprenant les objets ou animaux distinctifs des anciens rois ou racontant le quotidien du peuple. C’est aussi donner à voir et partager pour un moment, l’imaginaire de tout un peuple en partage dans notre monde globalisé.
Notre propos est de réitérer cette présence de l’Afrique plurielle dans une ville multiculturelle qui laisse encore à l’écart des communautés qui font cependant partie intégrante d’une France encore frileuse de son histoire mouvementée avec les pays africains francophones.
Ce drapé sera l’occasion d’adjoindre à la petite histoire, la grande histoire et réactualiser la mémoire, continuité historique dans un contexte aujourd’hui mondialisé. Cette mondialisation, pour être équilibrée doit pouvoir permettre à chaque peuple porteur de sa culture d’en rendre compte et
d’apporter sa contribution à l’édification universelle dans un monde apaisé.
Edwige Aplogan arabaplogan@yahoo.fr Atelier: 13 allée des lilas – Aubervilliers