FOCUS . Diagne Chanel
« Les Gisantes »
Diagne Chanel au Musée du Petit Palais à Avignon
Exposition « Les Eclaireurs » de la collection Blachère à Avignon du 19 mai 2017 au 14 janvier 2018
Les Gisantes de Diagne Chanel sont exposées dans le cloître du Musée du Petit Palais, situé à côté du Palais des Papes, demeure officielle des archevêques lors de l’installation pontificale à Avignon au 14ème siècle.
Engagée dans de nombreux combats, Diagne Chanel, francaise et parisienne est une artiste sans-frontières qui milite pour la richesse de la pluralité et la beauté du geste comme art universel. Elle choisit au travers de sa liberté d’artiste, de dénoncer pour transmettre son message. Un travail de mémoire en hommage aux victimes des exactions.
La série « Les Gisantes » fait partie du cycle « Une Saison Au Sud-Soudan » abordant le génocide et l’esclavage des populations noires africaines du Soudan. Ce travail qui a été présenté en France et à l’étranger exprime la défaite de l’innocence. Des petites victimes sacrifiées sur le théâtre de la cruauté où l’horreur se joue en coulisses. Dans cette œuvre est représenté le viol en temps de guerre pour tenter de rendre visibles des évènements bien cachés qui appartiennent à la représentation d’une douleur universelle.
Diagne Chanel révèle la cruauté, créant un symbole, avec sa palette de couleurs naturelles et tendres, ocres et bleues, qui chante en contre point une chanson douce dont on ne sait si elle sublime l’horreur ou la souligne, laissant l’atrocité à distance convenable.
Par Dominique Vingtain, directrice du musée du Petit Palais et conservatrice en chef du Palais des Papes
“A Avignon, comme ailleurs, seuls les princes pouvaient assurer ainsi la perpétuation du souvenir de leur vie terrestre à travers leur dernière demeure. Les autres, moins fortunés ou très humbles, devaient se contenter de sépultures plus modestes. Les gisants de pierre des tombeaux français du Moyen Age sont les sépultures des personnes fortunées qui seules purent perpétuer leur image. Pour l’éternité, ils demeurent ainsi, solennels, grandiloquents, en cet instant suspendu où, de la vie, ils basculent dans la mort.
La cour intérieure du Petit Palais abrite aujourd’hui des gisants d’un autre genre : des femmes, quatre, jeunes, trop jeunes, aux formes puissantes de bronze coloré. Toutes quatre gisent, figées dans un sommeil éternel. Le bronze défie le temps. Diagne Chanel, loin d’Avignon et de l’automne du Moyen Age, a représenté un événement dramatique de l’histoire du continent africain, Une Saison au Sud Soudan. Les quatre gisantes témoignent d’un conflit dont, vivantes jeunes filles, elles furent victimes. Victimes anonymes, gisantes muettes mais si éloquentes, elles rappellent avec obstination leurs vies brisées par d’incompréhensibles et irreprésentables violences. Comme le cardinal Lagrange, elles gisent ainsi pour l’éternité, sans qu’on leur ait accordé la grâce de profiter des promesses de leurs jeunes vies, ni même celle de se préparer, à la toute fin, à une bonne mort.
Le Musée du Petit Palais cette année accueille un puissant écho du fracas de la guerre civile au Soudan du Sud. Les corps des gisantes témoignent des dizaines de milliers de morts fait par ce conflit depuis 2013. Depuis près de vingt ans, Diagne Chanel créé une œuvre politique, dénonçant le génocide ethnique du Sud Soudan et le drame des innombrables soudanais, déplacés dans leur pays ou exilés.
Cette année, le Musée du Petit Palais montre un nouvel irreprésentable, celui de la violence, absurde, figée pour l’éternité. »
Dominique Vingtain, directrice du musée du Petit Palais et conservatrice en chef du Palais des Papes.